Skywalcino.
à propos du personnage. Inventée. âge. 27 ans. crédits. Moi-même. comment nous as-tu connu ? Par mon kitty.   toi. Les Etoiles Noires, planquez vous.

Qu’est-ce que j’irais faire au paradis
Quand tu t’endors près de moi ?
Qu’ils le donnent à d’autres, le paradis
Je n’en voudrais pas

Ça n’aurait jamais dû se terminer ainsi. Pas aussi violemment. Pas au milieu de nulle part. Ghost gardait de sa première vie seulement des cris, des pleurs de bébé, une douleur abominable. Elle se souvient des os de son époux qui craquaient sous les coups, de son dernier soupir arraché dans un gémissement plaintif. Elle se souvient du sang chaud qui coulait sur ses mains quand elle déroba le couteau de son agresseur et le retourna contre lui. Elle ne se souvient pas, en revanche, de sa fuite ou de s’être évanouie plusieurs blocs plus loin, à la discrétion d’une ruelle qui perforait en une courte impasse deux bâtiments sombres.

Ça n’aurait jamais dû se terminer ainsi. Depuis quand les contes de fées avaient-ils une fin pour les princesses ? Encore moins lorsqu’on s’appelle Jules Pruski. Ses parents étaient des gens particulièrement influents au sein de l’élite de Monopolis. Ils étaient extrêmement discrets, décrits comme des personnes avec un grand cœur qui n’hésitaient pas à tendre leur main au plus nécessiteux. Ils étaient respectés et adulés, autant dans leur vie personnelle que professionnelle. Beaucoup, en revanche, négligeaient leur part sombre. Celle qui faisait d’eux l’un des clans mafieux les plus puissants en ville œuvrant dans le racket, le trafic d’influence, le clientélisme et le proxénétisme. Disons que la majorité s’en foutait. Ils dilapidaient leur argent dans leurs casinos, dans leurs projets de construction faramineux et tout le monde était content. Jules était leur seul enfant. Leur petite princesse. Leur trésor. Leur source de bonheur éternelle. La petite fille avait la vie banale et clichée de n’importe quelle fille à papa — elle était couverte de cadeaux, constamment. On ne lui refusait rien. On faisait d’elle le centre du monde et même de l’univers entier. Plus elle grandissait, plus elle s’enfermait dans le rôle stéréotypé de la fille populaire idolâtrée par certains, jalousée par d’autres. Toutefois, les ennemis de Jules étaient très rares : en plus d’avoir été gâtée par la vie, c’était une personne en or. Incroyablement douce et gentille, elle ne laissait personne de côté, pas même ceux qui étaient en général harcelés à l’école, parce que jugés, à la hâte, trop différents. Jules était une idéaliste naïve — elle voulait que tout le monde s’entende, être amie avec l’intégralité de la planète pour continuer de briller. Elle n’avait jamais été narcissique, égoïste peut-être, mais imbue d’elle-même non. C’était cet altruisme qui avait séduit Mathieu Schwarzer qui devint tour à tour son ami, son petit-ami puis son fiancé quand ils entrèrent à l’université ensemble. Tous les deux, c’était écrit dès le départ : leurs parents respectifs étaient très amis, des clans mafieux alliés qui n’avaient jamais baigné dans la rivalité. Mathieu et Jules s’étaient toujours plus ou moins fréquentés, mais c’était leurs années lycée qui les avaient définitivement rapprochés. Quand Jules intégra aux côtés de Jules la faculté la plus prestigieuse de Monopolis, elle se dirigea vers des études en finance avec ce souhait d’aider le Clan de n’importe quelle manière. Pour rester dans le cliché lisse de la fille parfaite, bien évidemment qu’elle excellait dans ses études. Bien évidemment qu’elle obtint son diplôme en finance de marché avec les honneurs. Bien évidemment qu’elle fit la fierté de sa famille et de Mathieu qu’elle épousa après l’obtention de son diplôme. Ils étaient jeunes, ils n’avaient que vingt-trois ans, mais pourquoi prendre le temps de vivre alors qu’ils étaient heureux et profondément amoureux ? Leur fils, Eden, arriva l’année suivante. Qui aurait cru que, deux ans après sa naissance, leur existence allait virer au cauchemar ?

Le canon sur la tempe, la mort frappe au carreau
C’est comme regarder l’ciel à travers les barreaux
J’sais pas c’qu’il y a là-haut, j’prends l’pétard au cas où
Et rien à foutre qu’elle tourne la roue
J’ai parlé avec les anges
J’leur ai demandé c’est comment l’paradis ?
J’suis certaine j’irai pas
J’t’ai vu dans l’œil du mensonge
J’ai marché sur tes pas sans faire de bruit
Ça m’a menée nulle part.

Leur vie était trop parfaite. Trop clichée pour qu’il en soit ainsi jusqu’à la fin des temps. Rien pourtant ne prédisait que leur soirée prendrait une telle fin. Mathieu et Jules avaient fêté leurs trois ans de mariage avec leur fils. Parce qu’ils ne savaient pas être les uns sans les autres, parce qu’ils aimaient tellement Eden qu’il était impossible pour eux de s’en détacher, ne serait-ce que le temps d’une soirée. Jamais ils n’auraient pu prévoir que la bande des Zonards leur tombe dessus à la sortie du restaurant cinq étoiles dans lequel ils avaient déjeuné. Mathieu n’avait même pas eu le temps d’ouvrir la portière de sa voiture dans le parking souterrain à peine éclairé qu’il fut assommé par un coup de batte de baseball cloutée. Ses cris résonnaient entre les murs de béton, ceux d’Eden également qui venait d’être arraché des bras de sa mère. Elle, on l’avait jeté dans un coin. Deux types fondirent sur elle comme des furies. Dans leur esprit malade, plus elle se débattait, plus elle suppliait un dieu quelconque de les sauver de cette embuscade, plus ça les excitait. Refusant la fatalité, Jules réussit à s’échapper, une fois. Une escapade qui la fit hurler de tout son souffle quand elle vit le corps de son fils, inerte, baigner dans son sang et son époux se faire fracasser le crâne à coup de batte. Prise d’une rage folle, Jules voulut se jeter sur l’assassin de Mathieu pour en découdre, mais elle fut interceptée par ses hommes qui la jetèrent après lui avoir écrasé leur poing sur son visage. Étourdie, elle se débattit malgré tout quand un homme à la chevelure blonde voulut abuser d’elle. Elle parvint à lui dérober son couteau, trancher sa chair avec et s’enfuir dans la confusion la plus totale. Profondément choquée, elle s’évanouit quelques blocs plus loin après avoir vomi tout ce qu’elle pouvait.

Pendant trois ans, plus personne n’entendit parler d’elle. Ou du moins, pas sous la forme sous laquelle tous la connaissaient. Jules s’était effacée et mourut pour laisser place à Ghost. C’était un maître assassin qui l’avait recueilli et qui lui avait appris tout ce qu’elle savait désormais en tant que tueuse à gages indépendante — la seule activité qui lui permettait de canaliser sa colère et sa soif insatiable de vengeance. Un bon catalyseur puisqu’elle devint la meilleure dans son domaine, faisant payer ses primes à prix d’or. On ne savait rien d’elle et Ghost faisait tout pour entretenir le mystère, mais qu’importe, elle était bonne dans son travail. C’était tout ce qu’on lui demandait. Son identité brumeuse fut plus difficile à entretenir quand elle fit une rencontre qui changea le cours de son existence : Sadia. La première fois que Ghost la vit dans une boite de nuit de Monopolis, elle eut la même réaction que tout le monde : cette femme était-elle réelle ou bien était-ce un rêve ? Le sentiment de fascination qu’exerçait la sirène aux cheveux bleus sur elle était difficile autant à appréhender qu’accepté pour Ghost qui pensait finir ses jours avec son époux dont elle refusait de faire le deuil. La vie en décida autrement pour elle au gré des hasards. Les deux femmes se croisèrent sans cesse dans des bars, dans des boîtes, discutaient, flirtaient, s’éprennaient de l’une et l’autre. Ghost s’abreuvait d’elle, sentait son cœur battre à nouveau, s’acquittant de cette douleur dont il s’était habillé depuis trois longues années. Mais Sadia était aussi mystérieuse qu’elle, provoquant une certaine intermittence dans leur histoire d’amour. Ça leur allait, parce que chacune de leurs retrouvailles était encore plus passionnée que la précédente. Les deux jeunes femmes ignoraient qu’elles s’étaient ramassées mutuellement, vivant chacune des instants compliqués — Ghost était une veuve éplorée tandis que Sadia était en train de perdre l’homme avec lequel elle était au profit d’une autre.

Cet homme était d’ailleurs un énième point de bascule dans la vie de Ghost. Quand Cristal, le sourire de Télé-Capitale interviewa Johnny Rockfort, quelque chose s’était fissuré en la tueuse à gage pour éructer en une colère violente à la limite du contrôlable — la télévision sur laquelle elle reconnut Johnny passa à travers la fenêtre après avoir été démolie. Pourquoi un tel élan de violence ? C’était lui qui, trois ans plus tôt, avait donné le coup de grâce à son mari et à son fils dans un rire absolument sadique. Elle s’était déjà promis de se venger. Et maintenant qu’elle avait le nom de l’auteur, les choses seraient plus simples. Quelle naïveté ! Ça avait tout compliqué. Pour atteindre son but, Ghost avait décidé d’intégrer les Étoiles Noires. Johnny pensait l’avoir vu quelque part, mais il ne se méfiait pas tant que ça comme il avait la tête ailleurs, complètement accaparé par sa nouvelle petite amie, Cristal. Ce n’était pourtant pas cela le nœud du problème : sa plus grande surprise, mais surtout à sa plus grande douleur, Ghost découvrit que Sadia était une partie intégrante de ce groupe. Elle comprenait mieux la raison de tous ses mystères. Bien évidemment que Sadia n’avait pas pu lui dire, tout comme Ghost n’avait pas pu lui avouer que sa famille avait été massacrée par leur chef. La présence de Sadia perturbait tous les plans de la jeune femme à cause du dilemme moral violent que cela créait entre elle. Elle l’aimait. Profondément. Et le mot était faible pour décrire ô combien elle l’aimait. Mais en entretenant cet amour, en repoussant la séparation, elle avait l’impression de cracher sur la tombe de son époux. Parce que Ghost ne voyait plus Sadia comme une individualité, mais comme un groupe, celui des Étoiles Noires, à cause duquel elle avait tout perdu. Incapable de lui résister et perdant son objectif de vue, Ghost fit ce qu’elle savait faire de mieux : fuir. Loin de Monopolis. Loin des Étoiles Noires qui étaient en perte de vitesse de toute manière : poser une bombe au pied de la tour dorée de Zéro Janvier ? Absurde. Elle partit une nuit sans un mot, retournant à ses ténèbres, le cœur lourd de remords.

PASSAGE DE LA PORTE. Ça s’était fait le plus simplement du monde. Ghost était à moto, proche de la frontière de Monopolis avec le restant du pays moins urbanisé lorsque la porte s’est manifestée. Elle s’est ouverte devant elle, sans crier gare. Elle n’avait pas du tout accepté sa présence à La Nouvelle-Orléans : ne reverra-t-elle donc jamais Sadia ? Ne pourra-t-elle donc jamais lui expliquer pourquoi ? Et sa vengeance ? Passer la porte ne lui avait pas permis d’apaiser sa colère et d’effacer ses tourments, non. Ça les avait exacerbés. Sa vie dans la mégalopole américaine n’était pas bien différente de celle à Monopolis : Ghost errait, semant les cadavres derrière elle en espérant un jour trouver la paix.

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