A flying monkeys problem (Bruno&Lee)

Lee ne présumait plus rien quant au fait qu'il puisse encore être surpris à chaque fois qu'il passait un de ces fameux portails. Certes, il s'attend forcément à se trouver dans des mondes incroyablement différents du sien. Et visiblement, son mondes est unique dans le sens qu'il est le seul à posséder un Daemon.

Celà avait failli mal tourner dans le monde précédent de Thunder Mesa car rapidement, Hester s'était retrouvé comme une cible que les gens ne considéraient que comme du gibier. Heureusement, il avait croisé la route d'une certaine Dolores qui l'a confondu avec son oncle. Malgré le fait qu'il ne soit pas ce qu'elle recherchait. Elle l'a quand même aidé dans cet endroit avant qu'il ne reparte, car trop dangereux pour Hester et pour lui même.

En tout cas, il sait vaguement des choses sur un certain Bruno Madrigal qui serait son portrait craché. Son sosie même. Ce qui était plus qu'étrange. Les mondes pouvaient eux aussi receler d'autres lui dans d'autres dimensions ? C'était un coup à faire des nœuds au cerveau et bien que Lee comprenne la base de la physique quantique et ce que les voyages interdimentionnels veulent dire. Il n'était pas aussi calé qu'Asriel pouvait l'être. Il se laissait porter par ses voyages comme il l'avait toujours fait. Frustré de devoir le faire à pieds néanmoins mais il n'avait plus de ballon...

Il passa cette nouvelle porte alors qu'il arrive dans une forêt. Le genre dense et humide. Lee marche plusieurs heures avec Hester jusqu'à voir une nuée de... Quoi ? Lee plisse les yeux et croit apercevoir des singes volants. D'accord... Monde parallèle, il doit arrêter de se poser des questions. Il se cachera sous les arbres avec Hester avant de reprendre sa route.

Mais quelques minutes plus tard, il verra des singes courir après un type. Le réflexe de Lee serait de se planquer, d'ailleurs Hester a déjà envie de prendre les jambes à son cou. Mais le son de cette voix lui semble trop familière. Il plisse les yeux pour voir entre les arbres et capte... un double de lui. (faut dire ce qui est) Qui essaye tant bien que mal de fuir cette menace.

" C'est bizarre mais c'est pas le moment de se poser des questions. " - " Lee, c'est pas une bonne idée. " - " J'ai jamais dit que j'avais les meilleures idées du monde. "

Mais il ne l'écoute pas et se met à courir en direction du danger en tirant son Colt de sa ceinture. Et tire un coup en l'air en se rapprochant. Le bruit fige la scène et attire l'attention des singes.

" Je vais vraiment les avoir en sainte horreur ces macaques. " Annonce-t-il en faisant la grimace. Après le singe dorée de Marisa, en voila une armée qui vole en plus ! Il enquille son chien et pointe celui le plus proche du pauvre homme qui vient de se faire courser. " Ca s'appelle un revolver et ca ne fait pas que du bruit. Ca fait aussi des gros trous. " Il ne sait pas si ces créatures sont intelligentes et si elles le comprennent, il espère juste que son intimidation fonctionne. Les singes lui crachent dessus en se rapprochant. " Lee... " se crispe Hester près des ses bottes, les oreilles plaqués en arrière signe qu'elle a peur.

Lee sent son cœur s'emballer et à l'unisson de son Daemon qui lui transmet sa peur mais, il tient bon quand il fixe du regard le premier singe. Cela dure plusieurs longues secondes alors que notre Texan a le doigt crispé sur sa gâchette, prêt à tirer.

Finalement, ils repartiront... Pour le moment. Après quelques secondes où ils s'envoleront, il relâchera la pression en soupirant longuement. Il rengaine son arme et se tourne vers son compagnon de galère.

" Ca va ? " Il marque une pause et l'observe avec un mélange de fascination et de déstabilisation. " Bruno c'est ca ? " Il le sait de Dolores. Enfin si c'est Bruno, et si ca n'est pas encore un autre mec qui lui ressemble. " Ouais, je confirme c'est perturbant. "

Après la disparition d’Hector, Bruno avait ressenti le poids d’un regret immense et d’une solitude plus profonde encore s’abattre sur lui comme une chape de plomb. Pour la première fois depuis… il ne saurait même plus dire quand, Bruno avait réussi à s’ouvrir à quelqu’un d’autre, et même… à entrevoir le début de… disons d’une belle amitié, va savoir, Bruno n’aurait pas su mettre des mots sur ce qu’il ressentait vraiment pour Hector. Tout ce qu’il savait, en  revanche, c’est que sa pensée l’accompagnait partout… C’était injuste. Peut-être que dans le monde des vivants, plus personne ne se souvenait d’Hector Rivera, mais lui… lui sait qu’il s’en rappellera toujours… Il aurait voulu que ce soit suffisant… ça ne l’était pas… et pour Bruno également, le temps était compté.

Il avait pris une apparence presque intégralement squelettique avant de retrouver une porte qui ressemblait étrangement à celle qu’il avait empruntée sans même s’en rendre compte durant l’effondrement de Casita… Mais cette porte ne l’avait pas ramené dans l’Encanto. Non. A la place, Bruno s’était retrouvé… allez savoir où. Un nouveau monde inconnu où il serait contraint de se retrouver seul, sans personne ni repère. Il avait erré à travers une forêt épaisse et dense pendant un temps qui lui avait semblé insoutenablement long… Jusqu’à entendre du mouvement… un bruit étrange, puis ces formes qui fendaient le ciel. Est-ce que ce seraient… Oui, des singes… des singes volants fendant le ciel à tout allure.

Dans un hurlement terrifié et peu viril, Bruno court, il court le plus loin possible, il court comme si sa vie en dépendait (en même temps c’est possiblement le cas. Il s’effondre au sol au moment d’entendre un coup de feu, le cœur battant à tout rompre, et pour commencer, il n’ose comprendre complètement ce qui lui arrive. Ce n’est qu’au moment de voir ce type se rapprocher qu’il ose se redresser, lentement et tremblant de tous ses membres.

« Je crois… » Cette voix… Pourquoi cette voix lui est si familière ? Il le comprend au moment de se redresser et de faire face à… son presque reflet… à quelques détails, infimes, près, on pourrait les prendre pour des jumeaux, tous les deux. Plus perturbant encore, cet homme a l’air de savoir qui il est. Bruno se recule d’un pas, paniqué. « Qui êtes-vous ? Comment vous connaissez mon nom ? Pourquoi est-ce que vous ? … Camilo, si c’est toi, ce n’est vraiment pas drôle… »

Il ne trouve rien de mieux comme explication à ce qui se passe, quand bien même son neveu, qu’il n’a pas revu depuis ses cinq ans, a probablement mieux à faire que de tirer sur des singes volants en se faisant passer pour lui (enfin… Bruno l’espère en tout cas).

" Je crois que c'était un peu trop direct comme entrée en la matière. " Remarque Hester à Lee qui lève les yeux au ciel. Notre cher aéronaute range son arme à feu. (pas trop loin quand même parce que malgré tout il n'était pas serein, mais il n'avait rien contre le pauvre Bruno qui semblait totalement terrorisé. Et il sait d'expérience qu'apaiser une personne avec une arme à la main, c'est tout sauf une bonne idée.) " Ha non... Commence pas... Je n'ai absolument rien fait là ! " Répond-il exaspéré à son Daemon.

Mais Bruno est trop paniqué pour qu'il ne s'occupe à avoir une joute verbale avec Hester là tout de suite. Il lève les mains en faisant des signes d'apaisement afin que Bruno comprenne qu'il n'est pas là pour lui faire du mal. Même si oui, il comprend qu'il doit être complètement perturbé après avoir été attaqué par des singes volants.

" Alors je ne sais pas qui est Camilo. " Dit-il dans un sourire malicieux. Il tourne sa main pour se présenter et pour qu'il lui serre, comme on se présente chez lui. Ou globalement... Enfin c'est peut être pas la même chose dans tous les mondes. " Je m'appelle Lee. Lee Scoresby et si je te connais, c'est parce que je connais Dolores qui m'a pris pour toi et du coup... J'ai rapidement fait le rapprochement. Je ne sais pas pourquoi on se ressemble. Je ne sais pas de où ces macaques volants sortent. Je suis pas d'ici... " Il lève un sourcil, sentant le regard d'Hester sur lui qui n'a pas besoin de parler car il comprend qu'il aimerait l'informer qu'il aurait dû commencer par là. " Et... " Reprend-t-il dans un sourire. " Je viens de te sauver la vie. Si je te voulais vraiment du mal, tu serai déjà mort. " - " De trop Lee... " Remarque encore Hester quand il parle de mort. " Oui Hester, il serait heureux de causer avec un lièvre qui parle. T'as bien vu qu'il n'a pas de Daemon... " Lui fait-il signe vers Bruno dans une invitation. Il avait compris que les gens qui n'avaient pas de Daemons avaient du mal avec leur concept d'âme séparé du corps. Et du coup, quand ils entendaient un animal parler, ils avaient tendance à paniquer. Si Dolores vient d'un monde sans Daemons, alors son oncle ne devait pas en avoir. Hester plisse légèrement les yeux avant de détourner la tête. " Sache que je suis contre la violence. " Ajoute-t-il pour Bruno et avec un air qui se veut solennel. " Mais j'ai des armes, et je sais par expérience qu'ils vont revenir. Donc conseil: ne te tires pas sans moi et surtout... on trouve un abri. "

Comme si ce n’était pas suffisamment perturbant de faire face à son sosie, voilà que Bruno réalise que cet homme n’est pas seul mais accompagné d’un lièvre au comportement… étrange... Pas juste comme s’il était domestiqué, c’est encore autre chose… non, vraiment, Bruno n’y comprend rien… en revanche, il est terrifié. Parce que moins il comprend, plus il se sent oppressé…. Et autant dire que le sentiment d’oppression, à l’heure actuelle, atteint de véritables sommets… insoutenables.

Ce n’est pas Camilo… Bruno aurait préféré… il aurait au moins eu affaire à quelque chose ou quelqu’un de vaguement familier, quand bien même… tout bien considéré… Camilo ne l’a pas vu depuis tellement longtemps… il ne serait probablement pas capable de prendre son apparence si facilement… Bref, il doit accepter que les choses seront différentes. Il dit s’appeler Lee Scoresby, un nom qu’il n’a jamais entendu, mais ce n’est pas ce qui lui met la puce à l’oreille… non, c’est quelque chose d’autre, qui le prend totalement au dépourvu.

« Vous connaissez Dolores ? » C’est l’information qu’il retient, et qui occulte tout le reste, y compris les lièvres parlants et les singes volants. « Où est-ce qu’elle est ? Elle va bien ? »

Des membres de sa famille, il n’a plus la moindre nouvelle, c’est tout naturellement qu’il s’en inquiète, c’est tout naturellement qu’il espère la retrouver, au même titre que tous les membres de sa famille, qui lui manquent évidemment atrocement… Savoir qu’il l’a vue, ça le réconforte et le lui rend un rien sympathique. Il a probablement raison… il peut lui faire confiance, il lui a sauvé la vie, et il connaît Dolores…. Et il a un lièvre palant… non, il faut qu’on en parle de ça.

« Comment est-ce que ? » Antonio parlait aux animaux, mais les animaux lui répondaient dans leur langue… là, il l’a bel et bien entendu parler.

Il n’arrive pas à finir sa phrase. Il se pose beaucoup trop de questions. Où est-ce qu’il est. Qui ils sont. Pourquoi ils se ressemblent autant. Pourquoi le lièvre parle. Pourquoi il y a un lièvre. Pourquoi il y a des singes volants. Il est épuisé de cette succession d’incompréhensions…

« D’accord… je vous suis… »

A la recherche d’un abri… mais Bruno a le désagréable pressentiment qu’ils ne seront en sécurité nulle part… et c’est une pensée qui l’incommode au possible. Il se sent impuissant… mais il n’est pas seul… et ça, c’est déjà un début.

Le pauvre a l'air totalement terrorisé par ce qu'il se passe. Ce qui est troublant, c'est de se voir en fin de compte. Voir son propre visage avec toutes ces expressions à son égard. Mais il semble s'apaiser quand il parle de Dolores. D'accord, pour le coup, il aurait dû commencer par là. Lee lui fait un sourire pour essayer de dissiper ses craintes. " Elle va bien. " Lui assure-t-il. Mais ca n'était Dolores qui l'inquiétait à l'heure actuelle mais eux. " Elle se trouve à Thunder Mesa. Ca n'est pas chez vous mais... elle va bien. Elle est bien entourée. " Lui assure-t-il, vu qu'il sait que Diego veille sur elle. Même si tout n'est pas rose, elle n'était pas en réel danger.

" Lee... On devrait y aller. " Le presse Hester. Il fait un signe de tête à son Daemon et commence à ouvrir la marche en faisant signe à Bruno de le suivre.

Il le détaille du regard quand il arrive à sa hauteur. Visiblement, il a l'air intrigué par Hester. " Je te demanderai bien si tu sais te servir d'une arme mais tu peines déjà à tenir sur tes deux jambes. " Dit-il moqueur sans être méchant. Mais vu dans l'état nerveux où se trouve Bruno, il ne serait même pas capable de viser correctement. Une main tremblante est le pire ennemi d'un tireur. Le maitre mot est concentration et self control. C'était un réel apprentissage.

Tout en marchant, il récupère sa Winchester qu'il cale dans ses mains alors qu'il vérifie ses munitions. Il entend Bruno commencer à se questionner et vu son regard vers Hester, il comprend que celà la concerne.

" Je penserai que ca ne t'aurai pas plus surpris que ça vu vos pouvoirs chez vous. " Assure-t-il dans un sourire. " Elle, c'est Hester, c'est mon Daemon. " Lui explique-t-il simplement. " C'est comme ca chez moi, chaque personne a un Daemon. Pour moi, c'est plutôt vous qui êtes bizarres à ne pas en avoir un. Ca n'est pas un animal, c'est... une essence vitale. Une continuité de qui nous sommes. Quand on est gosse, nos Daemons n'ont pas de forme fixe, c'est à partir de la puberté qu'ils se stabilisent pour prendre... leur forme définitive qui nous correspond le mieux. " Il le regarde pour voir s'il suit. " Toi aussi t'as une Hester mais de ce que j'ai compris, elle est plus. " Il montre son cœur. " ... Là ou... Je ne sais pas comment tu le définis chez toi. Je pense que tu dois mieux comprendre le concept de l'âme. " Souvent les gens comprenaient mieux cette expression là. " On ne peut pas vivre l'un sans l'autre. Elle ne peut s'éloigner de moi trop loin, et ce qui la touche, me touche aussi. "

Il plisse les yeux en l'observant. Parce que vraiment, Bruno Madrigal a l'air vraiment totalement paumé.

" Dis moi... T'as bien compris que t'es passé dans un monde parallèle ? Une porte ? " Il s'arrête et prend une mine ouverte. " Enfin t'as au moins compris que t'es pas dans ton Encan... to... "

Bruno se sent soulagé d’apprendre que Dolores se porte bien, même si, pour son propre bien, il aurait préféré la savoir dans l’Encanto plutôt qu’aller savoir où… Thunder Mesa, il n’a jamais entendu ce nom de toute son existence, et ça ne lui dit rien qui vaille… Mais ce n’est dans tous les cas plus possible, alors… Autant qu’elle soit au moins bien entourée. Il ne sait pas quel crédit il peu accorder aux paroles de Lee, mais il décide de lui faire tout de même un minimum confiance. Il veut dire quelque chose, mais son attention est alors accaparée par Hester, qui presse Lee d’y aller. Il ne s’y fera jamais, à celle-là… certes, il peut parler, lui qui causait constamment avec ses rats… mais ce n’est pas la même chose.

Bruno grimace et ne dit rien face aux remarques moqueuses de Lee, parce qu’il a raison, il ne sait certainement pas se servir d’une arme… et de manière générale, il estime ne pas servir à grand-chose… Chaque effort fourni par lui s’achève en lamentable échec. Et même s’il était plus habile qu’il ne l’est en vérité, jamais de sa vie il ne voudrait tenir une arme entre ses doigts, c’est une pensée qui l’angoisse et qui suscite en lui un profond malaise… il laissera son sosie gérer sur ce point… et sur tous les points, en réalité.

« Les animaux ne parlent pas, chez nous… » Ce n’est pas parce qu’on a des pouvoirs extraordinaires qu’on ne s’étonne pas de choses que l’on n’a jamais vu. « Enfin, Antonio parle aux animaux mais… » Mais il ne finit pas sa phrase et laisse à Lee le soin de lui parler des daemons et de ce qu’ils représentent. Hester serait donc ni plus ni moins que son âme sous forme animale. Une âme que l’on est capable de trimballer avec soi, une âme avec laquelle on peut communiquer sans le moindre problème. « C’est… contraignant. »

Il songe que si lui-même avait un daemon, ce dernier ne tiendrait probablement pas plus d’une minute s’il était remis entre ses mains maladroites.

« Je ne sais pas ce que Dolores t’a dit sur moi, mais je ne suis pas stupide », répond Bruno, mal à l’aise et déçu d’être pris pour un idiot quand son interlocuteur lui demande s’il a conscience de ne pas se trouver dans l’Encanto. Certes, il n’est pas sorti de chez lui depuis trop longtemps, mais il sait reconnaître son chez-lui. C’est Lee qui est trop détendu à l’idée de passer d’un monde à l’autre, pas Bruno qui ne le serait pas assez. « C’est pas la première porte que je traverse », il ajoute le cœur serré. « Si je pouvais retourner dans mon Encanto, j’y serais déjà. »

Bien souvent Lee parlait pour rien dire. Il faut le noter. Et parfois, ses paroles pouvaient être limites. C'était dans ces situations là qu'il pouvait se trouver des ennuies plus gros que lui. Mais Lee n'était pas du genre à s'excuser non plus. Il dit ce qu'il pense.

Lee prend le temps d'expliquer à Bruno qui est Hester pour lui. Il sait qu'il devra surement faire des cours réguliers sur les Daemons. Ca ne le gênait pas, surtout si ca évite à Hester de se faire bouffer et lui d'être refroidi par la même occasion. Hester n'est pas un animal, et il veut bien le faire comprendre à son interlocuteur qui l'écoute jusqu'au bout mais qui finit par annoncer que c'est contraignant. Lee n'est pas d'accord. D'ailleurs il prend une moue pincée quand il prononce le mot.

" C'est vous qui êtes bizarre... " Se défend-t-il. " Hester n'est pas contraignante. Elle est importante pour moi. Je suis attachée à elle et je ne peux pas vivre sans elle. C'est mon amie, ma confidente. C'est moi qui me demande comment vous pouvez vivre si... seuls vous autre. " Répond-t-il en se défendant. Il le pensait. Il l'aimait son Hester.

Lee ne sait pas très bien où en est Bruno de ses voyages, il a posé la question sur le fait qu'il ait compris ou non qu'il n'était plus chez lui pour comprendre et non l'insulter. Sauf que Lee était plutôt brut de décoffrage. Bruno se défend alors qu'il n'est pas stupide. Lee rit doucement en se secouant la tête.

" Tu sais te défendre, j'avais eu des doutes... " Affirme-t-il dans son franc parlé. Il s'arrête et se tourne vers lui, son léger sourire sur les lèvres. " Je n'ai jamais insinué que tu étais stupide. Voyager à travers les portes est perturbant. " Il marque une pause et reprend plus sérieusement. " Les voyages comme ceux là ébranlent pas mal. Sur... beaucoup de choses. Le mal du pays en premier lieu... Enfin quand on a encore un foyer. De ce côté là, je n'en ai pas, j'ai que ma Hester... donc... c'est beaucoup plus facile pour moi. J'ai juste troqué mes escapades dans les airs pour des escapades multidimensionnelles. Mais cela ébranle aussi nos croyances. Surtout nos croyances. Toi t'es un type avec des pouvoirs de ce que j'ai compris, moi... " Il baisse les yeux vers son Daemon. " J'ai mon Hester. Et tu as surement été dans des mondes qui dépassent ta logique, comme moi j'ai pu le faire. Et prépares toi à tout quand tu passeras dans un autre univers. Se dire qu'on ne sait rien en arrivant, c'est s'adapter plus facilement. Sinon... " Il claque des doigts. " ... En un instant, on se retrouve piégé par une bande de macaques volants prêt à vous arracher les yeux de la tête. " Il finit par un sourire et lui tapote l'épaule. " Mais ca va aller. Si on se ressemble, c'est qu'on ne doit pas être si différents tous les deux. "

Bruno s’abstient de toute réponse quand son interlocuteur affirme que la personne bizarre, des deux, c’est définitivement lui… en vérité… Bruno ne peut pas franchement le contredire. D’où il se trouve, en tout cas, Lee semble bien plus équilibre et débrouillard que Bruno ne le sera jamais. Bruno, de son côté, a toujours été une véritable anomalie, la bizarrerie de la famille Madrigal… celle qui amusait quand elle ne terrifiait pas. Il est ce genre de personne. Et il le sait pertinemment, il ne dira pas le contraire. Pour le reste, il se contente de regarder Hester du coin de l’œil… S’attacher plus que nécessaire à un animal (il n’a toujours pas compris), il est capable de le comprendre. Quand lui-même n’avait que ses rats, on ne peut pas franchement dire qu’il se soit montré très… raisonnable les concernant. Alors il peut comprendre, même s’il n’en donne pas l’autre.

« On ne peut pas », réplique seulement Bruno sans se justifier quand Lee remarque que c’est lui qui ne comprend pas comment eux autres (sans savoir qui étaient eux autres) pouvaient vivre aussi seuls. La solitude ne faisait de bien à personne, c’est un fait.

Bruno ne sait pas se défendre, loin de là… il ne le saura probablement jamais convenablement… mais il ne veut pas tout accepter. Il ne le veut pas… cette situation est déjà suffisamment improbable pour ne pas vouloir en rajouter plus encore que nécessaire. Oui, voyager d’un monde à l’autre, ça perturbe… et Bruno voudrait être capable de rentrer chez lui enfin. Mais il ne le peut pas… il ne le pourra peut-être jamais. Et… il ente de survivre à des circonstances qui le dépassent, et qui l’obligent régulièrement à faire l’insupportable sacrifice de ce qu’il aime.

Lee, lui, est un voyageur… finalement, ils ont probablement ceci en commun, en plus de leur apparence. Depuis longtemps, ils ne comptent plus que sur eux-mêmes. Sauf que quand Lee a eu le courage de parcourir le monde, Bruno, lui, a eu la lâcheté de rester où il était, par peur de s’en aller.

« Peut-être… », consent à reconnaître Bruno, finalement, quand Lee veut suggérer que s’ils se ressemblent, c’est peut-être qu’ils ne sont pas si différents, au fond, l’un et l’autre. Ce n’est pas pour autant qu’il s’imagine que tout ira bien dans le meilleur des mondes, mais il est vrai que cette information a quelque chose de réconfortant. Même s’il ne peut pas y croire totalement. « Tu sais comment revenir d’où l’on vient ? On ne peut pas juste… aller de monde en monde indéfiniment, n’est-ce pas ? »

En vérité, si Lee agissait peut être abruptement c'est qu'il ne voulait pas qu'il arrive quelque chose à Bruno. Certes, il ne le connaissait pas très bien et ca serait idiot de se dire qu'ils étaient semblable à 100% en se basant sur le simple fait qu'ils se ressemblent physiquement. Lee remarque la façon dont il répond sur l'histoire de vivre seul. En vérité, cela sert le cœur de Lee. Oui, vivre seul. Sans compagnie externe. Même s'il a bien compris que l'âme de ces gens étaient intérieure. Que leur Daemon était fusionné à eux.

Il lui fait un léger sourire triste mais ne répond pas. Que dire de plus ? Sans sa Hester, il ne sait même pas dans quel état il serait. Même si Bruno et lui ont eu une histoire vraiment différentes. Même si visiblement leur enfance n'a pas été la plus heureuse qu'il soit. Lee avait fini par fuir pour éviter la violence quotidienne. Celà avait été son salut. Peut être que dans d'autres circonstances, il aurait beaucoup plus ressemblé à Bruno.

" Nos histoires ne sont pas les mêmes. Te fustiges pas non plus. La vie m'a obligé à apprendre à me battre très jeune. Et... De mon côté, c'était soit partir, soit mourir. Littéralement. " Il soupire, il en parle rarement et il a du mal à en parler. " Mon père me frappait à chaque fois qu'il pensait que c'était... nécessaire. Ou simplement pour passer ses nerfs. Parce que tout était de ma faute. Tout était une bonne occasion pour me fracasser, le fait que je respire en était déjà une. " Il en parle avec détachement, même si sa voix se brise vers la fin. Il avait appris à vivre avec et surtout, refuser de devenir comme cet homme. Il baisse les yeux vers Hester et croise son regard. Un regard qui veut tout dire. Ils se comprennent. Car ils ont vécu la même souffrance. L'un à travers l'autre. " Mais je suis convaincu tu as beaucoup de force en toi. Plus que tu ne l'imagines... "

Un rire ironique s'échappe de ses lèvres quand Bruno lui pose un tas de questions. Il le regarde avec un air perplexe. " Sérieusement ? J'ai la tête du mec qui en sait quelque chose ? " Il rit de plus belle. " Je voyage c'est tout. Je suis comme toi. Je ne me rappelle même plus comment j'ai atterrit là. Je ne suis pas le scientifique. Juste je sais qu'il y a des brèches entre les mondes. Que celà a un rapport avec la poussière... Je traverse et je vois ce qu'il y a de l'autre côté... " Il comprend pourtant que Bruno ait envie de rentrer chez lui. " Mais... " Il abat une main sur son épaule pour le rassurer. " Je suis sûr que tu trouveras le moyen de rentrer. Faut juste trouver quelque chose qui peut nous guider... Comme une boussole. On a toujours besoin d'une boussole pour s'orienter. Sinon... On se perd. "

Soit partir, soit mourir. Il peut comprendre l’idée. Même si Bruno en était loin, de son côté. S’il n’était pas parti, il aurait seulement laisser ses visions empoisonner sa famille plus que jamais, mais la mort n’était pas vraiment une option… Cela dit, partir non plus, de toute évidence, puisqu’au final, Bruno Madrigal n’était jamais complètement parti, il s’était seulement effacé de la vie des membres de sa famille, par confort, par facilité pure et stricte. Il devine que l’histoire de Leee est probablement bien plus sombre que la sienne. Alma n’aurait jamais, ô grand jamais, levé la main sur lui, mais son autorité naturelle avait suffi à faire des dégâts sur sa personnalité, alors il devine combien cela doit être dur de devenir l’exutoire d’un parent qui devrait nous aimer et nous protéger avant toute chose. Ce que semble avoir vécu Lee n’est rien d’autre qu’injuste, diablement, et profondément, injuste.

« C’est horrible… », constate-t-il, dépité. « Ce que tu as vécu… »

Il ne sait pas quoi dire de plus, et il devine que ce n’est pas vraiment ce qui va changer la vie de Lee. Ce dernier est, de toute évidence, en paix avec sa vie et avec ses choix, avec son histoire également, bien plus que Bruno ne saura jamais l’être. Quant à cette force qu’il serait susceptible de puiser en lui… Bruno la cherche toujours. Il serait confortable de croire son interlocuteur sur parole, bien sûr, mais il a quand même bien du mal à y croire de son côté, vu les circonstances… il apparaît assez évident qu’il a trop de chemin à force, et que s’il y a vraiment cette force en lui, alors elle est bien… très bien cachée.

« Je sais pas… », répond Bruno, embarrassé par sa propre question quand Lee suggère, l’air franchement surpris, qu’il aurait la tête d’un mec qui sait quoi que ce soit. « Tu as la tête de quelqu’un qui sait beaucoup de choses. Enfin…. La tête, non, parce qu’on a la même tête et que… mais… enfin… tu as compris ce que je veux dire », il ajoute, embarrassé, convaincu d’avoir à nouveau sorti une énormité plus grosse que lui-même de sa besace.

Il laisse Lee poursuivre, qui lui apprend qu’il y aurait des brèches entre les mondes… et qu’il trouvera un moyen de rentrer…

« La poussière… » Il répète, circonspect… mais il n’ose pas poser plus de questions. « Je n’ai pas de boussole mais… » Il hésite, peu convaincu par ce qu’il s’apprête à suggérer. « Je pourrais essayer d’avoir une vision… »

Lee l'explique avec franchise ce qu'il a vécu à Bruno. Assez facilement d'ailleurs. Il ne cherche pas la pitié. Peut être cherche-t-il à le rassurer. Qu'il n'est pas forcément le meilleur ici des deux. Qu'il aurait préféré être plus comme Bruno au final. Moins blessé par la vie. Même si Bruno avait eu son lot mais il ne connaissait pas toute son histoire non plus. Et puis, c'était comme se confier à un miroir de lui-même. Certains psy auraient des choses à dire sur cette situation.

Quand Lee entend Bruno lui répondre en étant choqué. Lee se tourne vers lui avec un fin sourire et lui tapote l'épaule. " On a survécu. " Dit-il simplement. Il parlait de Hester et de lui bien entendu. " Ca va aller Bruno. On est des survivants. On va s'en sortir. Et j'ai surtout envie de te dire de ne pas te sous-estimer, car ca serait me sous-estimer aussi non ? " Essaye-t-il de le faire sourire en le chahutant un peu. Il n'avait pas envie qu'ils restent sur la misère de son passé.

Lee rit de bon coeur quand il se perd avec ces histoires de tête et ressemblance et tout le reste. C'est vrai il y a de quoi s'embrouiller. Lui aussi ca le perturbe. Mais il comprend bien ce que veux dire Bruno. " J'ai pas mal bougé oui. Me débrouiller dans la nature je peux. J'ai quelques connaissances à droite à gauche. J'avais un magnifique ballon. J'ai appris à le piloter par moi-même. Ca m'a donné le goût de la liberté. " Il rit doucement en se secouant la tête. " Mais vraiment, on a pas des têtes de scientifiques. Hein Bruno ? "

Lee parle vaguement de la poussière. C'était encore un autre sujet. Puis Bruno commence à proposer quelque chose d'intéressant. Lee s'arrête et le regarde. Puis son visage s'illumine.

" T'es définitivement le plus malin des deux ! Il va falloir que tu nous gères ca... Enfin... " Il regarde derrière eux et semble entendre des cris peu rassurant. " Après qu'on se soit débarrassé de ces macaques collants et puants. "

Des survivants. Oui, c’est probablement le terme approprié. Bruno ne se considère pas avec beaucoup d’estime, mais à sa manière, il possède bel et bien un certain instinct de survie… Pas forcément perceptible à l’œil nu, mais sans lequel il n’aurait très probablement pas su survivre aussi longtemps entre les murs de Casita. Bon, ce n’est pas pour autant qu’il se verrait se reposer sur ses lauriers, bien sûr, et il s’inquiète toujours autant de ce qui adviendra, tout comme il lui sera probablement impossible pour lui de ne pas se sous-estimer en retour… mais il fera de son mieux. Ce n’est pas comme s’il considérait avoir d’autre choix que celui-ci dans tous les cas.

Il n’empêche qu’on n’ôtera pas de l’esprit de Bruno que Lee est nettement plus expérimenté que lui-même. Il a bien conscience d’avoir affaire à un aventurier, quelqu’un qui a vu le monde, qui a beaucoup bougé, indépendant et qui s’est forgé des expériences… Tout ce que Bruno n’est pas lui-même, en somme.

Il y avait pensé, bien sûr, au moment de décider de laisser sa famille derrière lui pour ne plus jamais leur poser le moindre problème : franchir les montagnes escarpées, voir ce qu’il y a de l’autre côté, découvrir le monde, changer d’horizon, loin de l’Encanto… et résultat des courses, il n’avait même pas su dépasser les murs de sa propre maison. Quand on y pense, c’est assez ridicule… Mais passons… Bruno n’en est pas fier, mais s’il fallait recommencer, il recommencerait exactement de la même manière, pour pouvoir garder sa famille à proximité, même si cette dernière devait ne pas en avoir conscience.

Bruno affiche un sourire peu convaincu quand Lee affirme qu’il est le plus malin entre eux deux. Bruno est bien incapable d’y croire ne serait-ce qu’une seule seconde. Mais en même temps, il ne voit pas de meilleure option que celle, très hasardeuse, qu’il propose. Il n’estime pas qu’elle soit brillante, loin de là… Mais il considère que c’est un débit, ce qui n’est déjà pas si mal en fin de compte… Ou moins que rien en tout cas.

Enfin, dans tous les cas, ce ne sera pas pour tout de suite, les visions, car les cris dans leurs dos leur annonce que ces fichus singes volants sont de retour.

« Je n’ai pas d’arme », il commente comme si ce n’était pas évident. « Qu’est-ce que je peux faire ? »

Ce n’est pas qu’il a vraiment envie de se battre, mais… il comprend bien qu’il ne peut pas non plus fuir sans arrêt, et il s’en veut de laisser Lee assumer toutes les responsabilités.

Les ennuies reviennent vers eux. Lee s'en doutait et ils doivent être plus nombreux. Il grogne entre ses dents en les fixant. Hester se cale derrière lui, les oreilles en arrière de crainte. Bruno lui explique qu'il n'a pas d'armes. C'est vrai, ils auraient pu profiter de cet instant d'accalmie pour que Bruno apprenne à tirer. Mais pour Lee ca sera des balles perdues. Des balles qu'il ne peut se résoudre à perdre surtout vu la nuée qui arrive vers eux.

Un sentiment de déjà vu qui fait échos auprès d'Hester. " Tu crois que ca va se passer comme la dernière fois ? Je n'ai pas envie d'être encore séparé de toi... " Lee sent son cœur se serrer. Il avait oublié sa mort et ca n'était pas le moment pour s'en rappeler. " Non. On ne va pas se faire scalper par une bande de stupides macaques. Pas après tout ce qu'on a vécu. Ca serait ridicule ! " Il se tourne vers Bruno et lui fait un signe de tête alors qu'il attrape son fusil en main et le charge. " L'arme c'est moi. Reste à couvert et ca se passera bien. Je suis désolé frérot mais je préfère ne pas gâcher une seule balle. Je ne rate jamais mes cibles. " Les singes se font entendre de plus en plus proches.

" Cours... " Courir. Trouver un abri. Un endroit où ils pourraient être à couvert et où Lee aurait de quoi tirer à vu. Hester détalle aussitôt, Lee la suit alors qu'il laisse Bruno les suivre. Ils n'avaient pas le choix.

Lee connaissait ce genre d'environnement. Il savait qu'ils auraient l'occasion de trouver  de quoi avoir une vue sur leur cible. Ils courent et Lee bifurque sur le côté en attirant la troupe avec lui, alors qu'ils glissent sur une pente boueuse. Il roule sur le côté en tirant Bruno avec lui. Trouvant un abris derrière plusieurs troncs couchés là.

" La terre Lee. " Lui suggère Hester alors qu'elle se roule dedans. Ca peut fonctionner. Les animaux fonctionnent aux odeurs lorsqu'ils chassent. Si Hester le sentait comme celà, ils devaient l'écouter. Il attrape une poignée de boue qu'il s'étale sur le visage, sur ses habits. Ils penseront à prendre un bain plus tard. Lorsqu'ils seront en vie. " Ils nous pistent à l'odeur. " Explique-t-il à Bruno en lui tartinant la tête en le devançant. Lee aurait pu rire de la situation si elle n'était pas chaotique.

Les singes se rapprochent. Ils doivent se coller un maximum dans le creux de leur cachette, limite à retenir leur respiration. Lee gardant son arme dans les bras. Et incroyablement concentré si quelque chose se passe mal. Il espérait de tout cœur que ca fonctionne et qu'ils n'aient pas à devoir se battre.

Bruno ne peut s’empêcher de tendre l’oreille à la conversation entre Lee et son daemon. Impossible de savoir à quoi Hester fait référence exactement, mais à l’évidence, l’épisode qu’elle évoque n’a rien de glorieux. Bruno a cru comprendre, en dépit de l’incongruité de la situation, que daemon et humain étaient forcément indissociables. Comment expliquer que cela soit déjà arrivé ? Est-ce que… Bon, pas le temps de réfléchir à tout ça pour le moment. Une nuée de singes volants semble bien décidé à leur faire la peau, et Bruno se soucie quand même de survivre avant le reste. En effet, pas question que les choses s’arrêtent là, même si ça paraîtrait presque inévitable, à ce stade, il faut le reconnaître.

« D’accord… »

Bruno ne sait que dire de plus. Ce n’est pas qu’il ne veut pas aider, c’est qu’il a conscience du peu d’aide qu’il peut avoir à apporter. Alors soit. Lee est mieux entraîner, et par accès de soudain courage, il pourrait gâcher les efforts de frappe de Lee… Non, il n’a définitivement pas le choix. Il va se mettre à couvert.. Ce n’est pas comme s’il avait été un jour doué pour jouer les héros… chaque décision de sa part paraissait plus hasardeuse que la précédente.

Bruno se laisse entraîner derrière un amas de troncs d’arbres couchés, le cœur battant. Il reconnaît se lasser gentiment de ces aventures sans fin… il aimerait bien, tant qu’à faire, un moment de calme pour se remettre de ses émotions… Il n’était pas heureux dans les murs de Casita, mais dans des moments comme celui-là, il regrette de ne plus pouvoir profiter de cette antre qui lui rendait quand même un fier service.

Bruno fronce les sourcils en voyant Hester se rouler dans la terre… Mais il comprend quand Lee suit le mouvement. Bruno considère la boue au sol… Bah… Il hausse les épaules et s’apprête à se couvrir lui-même, mais Lee le devance… Tant pis. Bruno, en entendant le mouvement des singes volants, se recroqueville encore davantage sur lui-même. Bruno ferme les yeux, sincèrement inquiet. Il n’ose relever les yeux qu’après de longues minutes d’apathie.

« Ils sont partis… ? »

Oui, ils sont partis ! Contre toute attente, ça a bel et bien fonctionné. Et c’est plus crasseux que jamais qu’ils peuvent réfléchir à présent à leurs options.

« Avec un peu de chances, nos têtes leur ont fait peur », ose-t-il dans un trait d’humour. « Hum, bon… Est-ce qu’on ne chercherait pas une porte… quelque part où on est sûr de ne pas croiser de singe ailé, par exemple ? »

Ils restent tous les trois à couvert le temps que les singes finissent par s'éloigner. Lee a toujours la main sur la crosse de son arme, et son doigt prêt à appuyer sur la gâchette si besoin est. Les secondes sont particulièrement longues mais finalement les singes finissent par s'envoler loin d'eux. Lee semble pouvoir respirer de nouveau. Il se tourne vers Bruno qui fait un trait d'humour qui relâche un peu la tension. Lee fait un de ses grands sourires amusés avant de rire doucement en se secouant la tête.

Il tapote l'épaule de Bruno en écoutant sa proposition. " Tu as raison. On ne devrait pas rester là... Qu'importe où on va... J'aimerai bien un monde avec la possibilité de pouvoir prendre un bon bain. " Lui assure-t-il amusé à son tour.

Il se redresse doucement en laissant tomber son bras avec son arme. Il regarde autour d'eux alors qu'Hester grimpe sur la pile de troncs allongés. Trouver une porte mais où ?   Il se demande si revenir sur ses pas ne pourrait pas les aider à retrouver une piste.

" Peut être devrait-on retourner sur nos pas. Tenter de prendre une des portes qui nous a fait entrer en croisant les doigts qu'on ne trouve pas pire endroit... Allez... "

Il fait un signe de main pour que Bruno le suive, ne perdant pas son sourire. Lee était un solitaire mais il est vrai que voyager en compagnie d'autres personnes était quand même plus agréable. Mais tout n'était pas encore terminé... Alors qu'ils se mettent en marche. Il a à peine le temps de comprendre ce qu'il se passe.

Un retardataire ? S'était-il planqué en attendant le bon moment pour surgir ? Allez savoir. Hester qui était derrière eux ne se méfia pas non plus. Alors qu'un singe surgit de nulle part vint à foncer directement sur Hester, l'attrapant par la peau du cou et décollant immédiatement en hurlant agressivement.

" LEE ! " Elle n'avait pas besoin de crier pourtant. Il sent lui même les serres s'agripper dans son propre dos. Il tombe les deux genoux au sol en gémissant de douleur sous l'impact surprise. Alors qu'il la voit décoller du sol et emmené par le singe. " NOOOON ! " Hurle-t-il. Il ne faut pas qu'il l'emmène. Il ne faut pas qu'il s'éloigne. Il essaye de faire fi de la douleur dans son dos et se redresse et se met d'abord à courir pour limiter la distance. Mais ils vont beaucoup trop vite et doucement Lee sent son souffle commencer à se briser, et son coeur serrer comme si on lui arrachait littéralement. Il doit agir immédiatement sous peine d'atteindre un point de non retour. Il ne les rattrapera jamais.

Alors il s'arrête, et met un genoux à terre, tant qu'il peut être encore apte à le faire... Il arme sa Winchester avec des gestes tremblants mais assez précis, des années à utiliser son arme. C'était même un automatisme... et il vise le singe. Il doit viser juste mais en même temps, il sentait cette douleur atroce dans sa poitrine et commençait à voir des tâches glisser devant ses yeux. Mais il n'a pas le choix. Il vise la bestiole et tire, tout en soufflant longuement pour que ses mains cessent de trembler l'espace de quelques secondes pour qu'il puisse viser juste.

Sa balle se loge dans sa cible d'un coup net et précis. Le singe tombe, mais Hester aussi. A travers les arbres et chaque branche qui la frappe fait échos dans son corps jusqu'à ce qu'elle arrive au sol. Lee lâche son arme en criant, et tombe à plat ventre. Sa main contre son coeur, grimaçant et visiblement souffrant. Il cherche Bruno et lui attrape le bras soudainement. " Va la chercher... Ramène la moi... " Lui supplie-t-il. " J'arrive pas à bouger... Le lien... Le lien est trop... tendu, j'ai du mal à respirer..." Il voudrait se lever. Mais il n'y arrive pas là tout de suite. Il veut laisser partir Bruno mais le retient de nouveau. " NE LA TOUCHE PAS ! Ne la touche pas... Enroule la dans quelque chose s'il faut... S'il te plait, Bruno. "

Le danger est écarté, mais Bruno n’est pas dupe… Il sait pertinemment que ça ne durera pas, et que le risque est grand qu’il se reproduise encore. Il faut absolument qu’ils quittent cet endroit… Par tous les moyens possibles. Mais comment faire ?  Bruno ne sait même pas vraiment comment il a atterri ici pour commencer… Mais définitivement, la perspective d’un bon bain, et d’un endroit où tout drame et toute inquiétude seraient occultés… Même l’espace de quelques jours… ça lui ferait un bien immense. En attendant, il peut se satisfaire du fait de ne pas être seul, même s’il est particulier et complexe de se retrouver en présence de son propre sosie… Bruno est loin de s’y être encore totalement fait.

« Oui… oui, faisons ça », confirme Bruno en appuyant la suggestion parfaitement rationnelle de son interlocuteur alors que ce dernier lui suggère de revenir sur leurs pas, d’emprunter une propre et d’espérer que cela ne les conduira pas dans un endroit pire encore que celui qu’ils ont déserté… Ce n’est pas gagné d’avance mais, après tout… ça peut en valoir la peine… Il faut bien qu’ils activent et tentent quelque chose dans tous les cas… n’importe quoi. Aussi rebroussent-ils chemin. Direction… allez savoir où… Mais leur répit n’est que de courte durée.

Un singe volant, à la traîne, se rue sur la pauvre Hester qui crie immédiatement de douleur… en même temps que Lee, directement affecté par la souffrance ressentie par son daemon. Le regard de Bruno passe de l’un à l’autre… Il se sent tétanisé. Il ne sait pas quoi faire… Le singe s’envole avec Hester entre ses serres… Et Bruno reste là, les bras ballants, une fois de plus… Et c’est Lee qui agit en tirant une balle, précise, à travers l’animal qui s’effondre aussitôt, faisant subir au daemon une chute absolument spectaculaire. Bruno veut se précipiter en direction d’Hester, mais il est dans un premier temps retenu par Lee qui le met en garde…  Il ne doit toucher à l’animal sous aucun prétexte. Bruno hoche la tête.

A travers la végétation dense, il appelle Hester de la voix et du regard, jusqu’à la retrouver… La pauvre est sérieusement amochée… des plaies profondes recouvrent son corps frêle.

« Ça va aller… », souffle Bruno qui n’en sait rien, tout en se penchant au-dessus d’elle, les mains tremblantes… Il a peur de la briser rien qu’en la soulevant, mais il parvient à l’emmitoufler dans son poncho. Et c’est avec beaucoup de délicatesse, comme s’il tenait un objet en cristal précieux, capable de se briser à tout moment, qu’il se dirige en direction de Lee. « Elle va bien… », promet Bruno en rapprochant Hester de Lee… « Oui… ça va aller… »

Et c’est lui-même qu’il cherche à convaincre en cet instant.

Il s'en voulait de ne pas avoir été assez vigilent mais heureusement qu'il était avec Bruno. Sinon seul, il aurait passablement galéré et il se serait encore plus mis en danger. Il reste donc où il est, attendant que son nouvel ami revienne vers lui avec sa Hester. Doucement, il se sent mieux quand il la voit se rapprocher de lui... Même si Hester est dans un sale état et que par conséquent, il l'était aussi. Tout ce qu'Hester ressentait, il le ressentait. Celà pouvait paraitre totalement abstrait pour beaucoup de personne.

Il se redresse et arrive à s'asseoir. Il voit Bruno arriver, avec enroulé dans son Pancho son Hester qui semble autant que lui soulagé d'être revenu vers lui. " Merci Bruno. " Lui souffle-t-il en grimaçant. Il glisse ses bras autour de son Daemon pour la reprendre et l'inspecte. Elle vient alors à grimper pour se nicher au creux de son cou pour trouver une soulagement près de son humain. " J'ai eu si peur. " Lee soupire. " Moi aussi... "

Il relève un regard fatigué vers Bruno et lui dit: " On s'en va... Aide moi s'il te plait... Je ne vais pas savoir marcher seul. " Il garde Hester contre lui et tend une main pour que Bruno l'aide à se relever. Il s'accroche alors à son épaule tout en avançant. Bien plus aux aguets que tout à l'heure. " Il faut qu'on trouve une porte rapidement. Il nous faut un peu de temps pour qu'on s'en remette. Mais c'est pas bien grave... " Et si Hester tombait dans les vappes, il la suivrait. Et il voit mal le pauvre Bruno devoir le porter.

C'est en prenant le chemin inverse qu'il retrouve où ils sont... Il pointe du doigt un endroit. " Je reconnais l'endroit... Après ces grands arbres. On va arriver sur une butée et je crois que c'est de là d'où je viens... Allez... " Il était focus sur leur destination. Ils devaient se dépêcher. Il pourrait poser un genou à terre en arrivant mais en attendant, ils devaient se mettre tous les trois en sécurité. " Tu crois que si on rêve d'un endroit paradisiaque en passant cette foutue porte, on va trouver un cinq étoiles ? " Dit-il pour rendre l'atmosphère moins pénible avec son petit air malin qu'il pouvait arborer parfois, même dans les moments les plus critiques. " On y est presque... " Oui, ils y étaient presque... Et celà le soulageait. Même s'il sentait le petit corps d'Hester se blottir contre lui et qu'il sentait sa conscience vaciller. Puis il la voit: cette porte. Il la voit et ils allaient pouvoir laisser ce monde de dingues derrière eux. En espérant en trouver un autre beaucoup moins chaotique.

Le regard de Bruno passe de Lee à Hester, d’Hester à Lee… Il ne pourrait prétendre tout comprendre du lien qui unit l’humain à son daemon, mais ce qu’il peut observer sans l’ombre d’un doute, c’est que ce lien est fort et tangible… Fragile aussi, sans doute, car quand du sort de l’un dépense celui de l’autre, le risque de souffrir est double… Mais en fin de compte, il y a eu plus de peur que de mal. Même si Hester a été amochée, elle tiendra le coup malgré tout… Quant à Bruno, il aidera Lee à marcher puisqu’il le faut… Il ne les laissera pas tomber, pas après tout ce qu’ils ont fait pour lui.

« Je vais faire de mon mieux », promet Bruno. Et s’il redoute que son mieux ne soit pas assez, cela ne l’empêchera our autant pas d’insister. Maintenant, le tout est de trouver une nouvelle porte… Sauf que Bruno n’y connaît rien et ne sait certainement pas de quelle manière l’on est supposé localiser et identifier une de ces fameuses portes. Fort heureusement pour lui, Lee, pour sa part, paraît disposer de davantage de ressources.

Lee reconnaît l’endroit par lequel il pense être arrivé, et c’est leur chance… Maintenant, reste à espérer qu’ils atteindront ce portail sans dommage, et surtout que rien de déplaisant ne les attendra de l’autre côté du chemin… ce qui reste une chose absolument incertaine en vérité, et dans laquelle Bruno ignore s’il peut croire totalement.

« Vu la chance que j’ai en règle générale… », commente Bruno d’un ton qui se veut léger mais demeure tout de même un peu inquiet – comme on peut légitimement l’être face à une situation inconnue. « … c’est peu probable », reconnaît Bruno alors que Lee suggère qu’en passant cette foutue porte, l’avenir leur réservera peut-être une belle surprise.

Dans tous les cas, ils y sont effectivement presque, et quand Bruno voit la porte apparaître plus loin, il en éprouve un singulier soulagement. Il soupire et prend une grande inspiration.

« Advienne que pourra, hein ? » il dit pour se donner du courage.

Son cœur bat la chamade, mais en se retournant sur le monde qu’ils s’apprêtent à quitter, Bruno a au moins une certitude, et c’est que cet endroit ne lui manquera pas le moins du monde. Peu importe où ils se dirigeront à présent, il veut croire que ce qui les attendra sera nécessairement plus engageant et rassurant pour eux.

Alors qu’à cela ne tienne, ils traversent la porte pour de bon.