bromley (elle).
à propos du personnage. réécriture d'un personnage original âge. 26 ans crédits. moodboard via pinterest comment nous as-tu connu ? Via un Top Site toi.  

En ce doux soir d’été, le Manoir Tudor était à la fête, célébrant en grande pompe l’anniversaire du maître des lieux. Les habitués étaient tous là pour l’occasion ; le Professeur Violet, excentrique archéologue un brin pédant, le Colonel Moutarde et son air bourru d’ancien militaire mal dégrossi, la vaniteuse Madame Pervenche ornée de ses ridicules plumes de paon, le Révérend Olive et sa froideur habituelle d’homme d’Église, Mademoiselle Rose aux courbes tentatrices et Madame Leblanc en employée dévouée, s’affairant en cuisine la sueur au front. Des têtes plus ou moins connues participaient également aux festivités ; la charmante et douce Amelia Pêche, le sculptural Prince Azur, le Comte Du Puy, architecte de talent s’étant installé depuis peu dans une villa non loin du manoir, Lady Lavande et son charme mystérieux, Madame Beaumont, toujours en quête de nouveaux ragots, et même l’homme à tout faire, Francis, s’était joint à eux, trafiquant comme à son habitude on ne sait quoi dans un coin. Au milieu de ses invités et gens de maison, leur hôte, le célèbre John Lenoir, aussi riche que beau et égocentrique, se pavanait, fier comme un roi.

Josephine Rose avait reçu il y a de cela quelques semaines une lettre de son ami d’enfance l’invitant à venir le rejoindre pour l’été dans sa demeure de villégiature, à l’occasion de son trente-cinquième anniversaire. La jeune femme n’aurait manqué cela pour rien au monde, y voyant là une occasion rêvée de lui soutirer toujours plus d’argent et, qui sait, de se trouver de nouveaux clients. Car connaissant John, ce séjour dans le Hampshire allait voir défiler toute la haute société britannique, chacun de ces rapaces étant disposé à lui lécher les bottes pour rester dans ses bonnes grâces. Autant de nouvelles victimes pour elle, prêtes à lui remplir son porte-monnaie.
Car si tous la prenaient pour une écervelée, une blonde frivole bonne qu’à faire la une de la presse à scandale, Josephine était loin d’être une imbécile. Bien sûr, elle n’était pas aussi cultivée que Mademoiselle Pêche, ni aussi savante que Lady Lavande, mais elle savait naviguer dans ce monde et obtenir tout ce qu’elle désirait. Après l’échec cuisant de sa courte carrière d’actrice aux États-Unis, elle avait su rebondir comme personne, ici même en Angleterre, et profitait des petits plaisirs de la vie, confortablement installée sur une fortune dont personne ne connaissait réellement l’ampleur. Usant de ses jambes fuselées et de sa poitrine généreuse, elle avait fait des riches célibataires son fonds de commerce, spécialité : vieux croulant sur le point de rendre l’âme. Piètre actrice sur grand écran certes, cependant son incarnation de la femme éperdue de plaisir dans les bras d’un homme était devenue le rôle le plus réussi et rentable de toute sa carrière.
Femme fatale organiquement, mais femme d’affaire dans l’âme, loin d’être naïve et inconséquente comme ces messieurs aimaient à le croire. À l’aube de sa trentaine, prévoyant pour un futur où jeunesse et beauté auraient fané, Josephine avait décidé de couvrir ses arrières en ouvrant sa propre maison close. Pour lancer sa petite affaire, elle avait pris sur ses économies, mais avait surtout usé de ses charmes et de ses talents de persuasion pour convaincre John d'investir dans son projet d'hôtel haut de gamme, vaste fumisterie qui a pourtant berné le milliardaire.

Ce qu’elle et tous les autres ne savaient pas, c’est que Lenoir n’avait aucunement envie de s’amuser et réservait un bien triste séjour à ces convives. Pompeux, mégalomaniaque et vindicatif, l’homme n’avait que la vengeance à l’esprit et comptait bien faire de sa petite vendetta un véritable spectacle. Une démonstration grandiloquente de son pouvoir, dont tout le monde se souviendrait pour les années à venir. Et plus jamais cette bande de parasites n’oserait se servir de lui et de sa fortune, héritée de son oncle, le bien aimé Sir Hugh. Car leur appât du gain n’était qu’un secret de polichinelle, et tous n’étaient là que par intérêt. Certains, comme cette lubrique de Mademoiselle Rose, lui soutiraient toujours plus d’argent usant de subterfuges, d’artifices ou d’investissements prometteurs dont il ne voyait jamais les gains. D’autres, à l’instar de ce bon à rien de Moutarde, recevaient depuis des années une rente mirobolante comme le stipulait le testament de feu Sir Lenoir, en souvenir d’une amitié ou d’un service rendu. Peu importait les raisons et les moyens mis en œuvre, tous dans cette pièce profitaient de lui, d’une manière ou d’une autre. Et tous avaient de jolis squelettes dans leur placard, d’infâmes secrets dont il avait scrupuleusement amassé les preuves. Il était grand temps de les faire payer, pour changer. Au sens propre ou au figuré selon les têtes, mais ils allaient payer.
Après un copieux dîner, John les avait tous conduits au grand salon et de manière théâtrale y dévoila ses réelles intentions. N’épargnant aucun détail et aucune humiliation, dans un monologue savamment orchestré et déclamé à la manière d’une tragédie grecque, il exposa les plus sombres secrets de chacun, avançant détenir des preuves irréfutables, bien au chaud dans son coffre-fort. Il possédait notamment des éléments incriminant Madame Pervenche dans plusieurs meurtres - il faut dire que les hommes tombaient comme des mouches auprès d’elle, une véritable épidémie. Des clichés sans équivoque attestaient que ce cher Révérend n’avait rien d’un saint, et que s’il n’était pas un client régulier du bordel de Mademoiselle Rose, ce n’était sûrement pas par dégoût de la luxure, mais bien parce qu’il préférait s’y adonner dans des bras bien plus musclés et poilus que ceux des filles de joie. De même, il affirmait être en mesure de prouver toutes les rumeurs qui allaient bon train quant aux activités illégales du Colonel durant la guerre, sources de sa petite fortune vilement amassée. Soumis à leur maître chanteur, qui réclamait à certains de l’argent, à d’autres quelques services sous le manteau, voir en menaçait quelques-uns de couper tout salaire ou rente qui les maintenait à flot, les invités avaient du mal à réaliser ce qui venait de se produire, et digéraient mal la fin de leur jolie petite existence dorée.

De son côté, Josephine s’amusait follement et appréciait ce rebondissement inattendu. Tous ces secrets l’excitaient terriblement, elle qui avait l’habitude de récolter les confidences sur l’oreiller de ses clients. Une petite activité de chantage ou de revente d’informations confidentielles, en plus de son bordel, ça arrondissait les fins de mois, alors pourquoi se priver ? Si l’annonce semblait tant la divertir, c’est qu’elle ne s’inquiétait guère de sa situation et ne comptait aucunement payer. Elle avait connu bien des scandales, elle saurait se relever de celui-ci, à n’en pas douter. Et en cas d’annonce publique, elle était même certaine que son hôtel ne fermerait pas, une bonne partie des hauts fonctionnaires de police étant de fidèles visiteurs de l’établissement. Si John pensait l’atteindre avec cette faible menace, c’était bien mal la connaître. Elle devait cependant admettre que perdre l’appui du docteur, véritable poule aux œufs d’or, bousculait quelque peu ses plans. Bien sûr sa maison close rapportait énormément d’argent, mais il devenait si volatile entre ses longs doigts graciles, il lui en fallait toujours plus. Surtout que la belle souhaitait agrandir son business, et qu’elle comptait lui soutirer de nouveaux investissements.

Après son annonce théâtrale, l’hôte se retira pour la soirée dans son bureau, laissant ses invités partagés entre confusion, peur et colère. Un moment de latence et de gêne s’installa, finalement brisé par les grommellements inintelligibles du Colonel, au visage rougi par la rage et l’alcool. Titubant avec peine, il sortit dans le jardin, suivit d’un pas pressé par une Madame Leblanc inconsolable. L’air hagard, le Professeur Violet ne tarda pas à quitter la pièce lui aussi, en direction de la bibliothèque, tandis que Madame Pervenche annonça se retirer dans sa chambre, ayant eu assez d’émotions pour ce soir. Peu à peu le grand salon se vida, chacun encaissant à sa manière les bouleversements qui venaient de se produire.

Mais d’un coup toutes les lumières de la résidence s’éteignirent, bientôt suivies par des cris de panique et le bruit sourd de meuble que l’on renverse. Un coup de feu éclata, avant de laisser place à un silence angoissant. Un silence de mort. Après quelques secondes de flottement qui semblèrent durer une éternité, la lumière revint et tous les invités se rassemblèrent dans le hall, d’où la détonation semblait provenir. Gisait là le corps sans vie du Dr. Lenoir.

Le crime eut un retentissement majeur dans toute l'Angleterre et resta à la une des journaux des jours durant. Le jeune mais efficace inspecteur Dupont, chargé de l’investigation, subissait une pression énorme de sa direction pour boucler rapidement cette affaire. Malheureusement pour lui, l’enquête semblait piétinée, aucune des pistes ne semblant concluante. Le ou la criminel.le courait toujours, la partie était loin d’être finie.